Папярэдняя старонка: Дзярновіч Алег

Les guerres russo-lituaniennes (xvi-xvii) entre les sources de l'époque et les historiens d'aujourd'hui 


Аўтар: Dziarnovič Aleh,
Дадана: 25-03-2011,
Крыніца: Cahiers du monde russe. 2009, V. 50, Nr. 2—3: L’Europe orientale, 1650—1730. crises, conflits et renouveau. P. 301—314.



Dans les descriptions que chroniqueurs et historiens laissent des guerres, l'un des tableaux les plus saisissants est sans doute celui des malheurs infligés aux populations civiles. Une simple énumération du contenu des sources primaires suffirait, de ce point de vue, à faire dresser les cheveux sur la tête. Et nul ne mettrait en doute que ces évocations correspondent à des événements bien réels. Pour autant, sommes-nous fondés à toujours recevoir les informations transmises par les sources, par exemple des xvii e et xvii e siècles, comme un simple exposé documentaire de faits et à fonder sur cette base toute une théorie ? En effet, les chroniqueurs, les scribes de la chancellerie et les mémorialistes du Grand Duché de Lituanie ( infra : GDL), de la République [1] et de Russie, puisque c'est d'eux qu'il va être question ici, écrivaient dans le cadre des systèmes politiques et des normes éthiques qui étaient les leurs, et l'une de leurs missions principales consistait à mettre en cause l'ennemi en l'accusant de s'être détourné de la morale chrétienne.

Nombre de ces invectives ont refait de l'usage dans des luttes politiques beaucoup plus récentes, notamment sous la plume d'historiens actuels d'Europe centrale et orientale dans les années 1980-1990, alors même que s'élargissait l'éventail des sources primaires disponibles. Situation paradoxale que celle où une augmentation sensible du nombre de sources accessibles ne rend pas nécessairement plus difficile leur manipulation.

Particulièrement vulnérable de ce point de vue paraît l'histoire écrite récemment en Biélorussie. Dans les années 1980 et au début des années 1990, en effet, il lui fallut surmonter l'orientation apologétique alors habituelle de l'histoire des relations avec la Russie. La notion commença alors de se diffuser, dans la littérature spécialisée comme dans les ouvrages de vulgarisation, que la Russie avait mené contre le GDL et la République plus que des guerres de conquête : des guerres d'annihilation. La transposition pure et simple du concept moderne de guerre totale s'appuyait sur une profusion de témoignages sur les malheurs de la population, la citation pure et simple des sources servant d'argument principal. Mais la roue de l'histoire n'avait pas fini de tourner, et devait jouer un mauvais tour à ce courant doloriste. En effet, dans le contexte du nouveau régime autoritaire, les orientations politiques changèrent et beaucoup de ce qui avait été écrit au début des années 1990 tomba désormais sous le feu d'une critique brutale, quasi-officielle et administrative. Il est vrai que l'utilisation non-critique qui avait été faite des sources primaires prêtait le flanc à semblable retour de bâton.

Quels pièges guettent l'historien dans l'interprétation des sources ? Le chercheur actuel est-t-il seulement capable de comprendre la langue imagée d'auteurs des xvi e et xvii e siècles ? Peut-on sérieusement songer à « dépolitiser » les fonctions de la recherche historique et les résultats qui en découlent ? Pour les historiens biélorusses en tout cas, de telles questions demeurent d'actualité. De même, apparemment, que pour d'autres historiens d'Europe centrale et orientale.

Les témoignages des sources narratives

Les sources historiques nous informent des calamités subies par la population civile au cours des guerres du xvi e siècle au début du xviii Cahiers du monde russe 2009/2-3. e siècle. Les sources narratives évoquent ces misères de manière particulièrement imagée. Les chroniques biélorusses-lituaniennes ont élaboré un registre d'images servant pour la description des malheurs de la guerre. Dans la Chronique des grands ducs de Lituanie ( Suprasl'skaja letopis', 1532-1534), on trouve une évocation symbolisée des infortunes de la population civile, des tourments du peuple chrétien. C'est ainsi par exemple que le chroniqueur décrit l'expédition du prince Svjatoslav de Smolensk, allié au prince André de Polock, contre Orša ( pol. Orsza) en 1386 :

« Parmi les laïcs, ils firent beaucoup de mal aux chrétiens, leur infligeant des tourments indignes d'hommes et de chrétiens, et tels que même les armées païennes n'en avaient jamais pratiqué de mémoire d'homme. Les ayant rassemblés, ils les enfermaient dans les maisons puis y mettaient le feu, tandis que d'autres démolissaient les églises à l'aide de leviers, allongeaient les prisonniers côte à côte au pied des murailles et y mettaient le feu, d'autres encore empalaient les femmes et les enfants, sans parler d'autres tortures encore qu'ils faisaient subir aux chrétiens, trop répugnantes à décrire, comme ni Antiochus de Syrie [2], ni Julien l'Apostat n'en avaient inventé, mais ils ne purent rien faire contre la citadelle d'Orša et durent s'en retourner chez eux [3] ».

Nous voyons ici que l'événement est interprété en termes d'opposition entre peuples chrétien et païen (ou de comparaison entre l'action d'autres chrétiens et celles des païens). La destruction des temples relève du même registre.

Le thème sera encore et toujours d'actualité au début du xviii e siècle. Ainsi, dans la description des catastrophes que donnent, dans la Chronique de Mahiloŭ ( Mogilev), Trofim Surta et Jurij Trubnicki, une brève constatation suffit à évoquer un tableau apocalyptique :

« En 1595, ce fut encore une autre attaque de Naliwayko (russe : Nalivajko) sur Mahilow. Pour des raisons qui demeurent inconnues, parce qu'il était un gredin ou à cause d'une perfidie moscovite, car à l'époque il n'y avait pas de paix avec Moscou […] Naliwayko mit le pillage à Mahilow et le feu aux églises [4] ».

Tout aussi graves sont les accusations de sodomie. Voici par exemple comment la C hronique de Barkulabovo décrit les événements de 1601 à Vitebsk, au retour de Suède des détachements cosaques :

« En cette même année [1]601, les cosaques Zaporogues, au nombre de quatre mille, ont fait campagne en Suède [...] Ils n'y ont rien fait de bon, et n'ont été d'aucun secours au hetman ni au roi, ils sont partis de Suède, et ici, en Russie, ils ont fait de grands ravages à Polock, et pris la grande et belle ville de Vitebsk, emporté quantité d'or et d'argent, sabré des bourgeois respectables, et commis l'horrible péché de sodomie, pis que les plus cruels ennemis ou que les cruels Tatars [5]

La force de cette accusation réside dans le fait que la sodomie est un péché biblique, la comparaison avec un peuple non chrétien, en l'occurrence les Tatars, n'ayant ici rien de fortuit.

A partir de la seconde moitié du xvi e siècle, c'est une nouvelle tradition narrative qui est mise en place par les mémorialistes du GDL. Comme le suggère une première analyse, nombre d'épithètes sont directement empruntées aux annales et chroniques biélorusses-lituaniennes. C'est en particulier le cas chez des auteurs de la fin du xvi e siècle et de la première moitié du xvii e comme Fiodar Eulašouski ( pol. Fiedor Jewłaszewski ; rus. Fëdor Evlašovskij) et Jan Cedrowski ( biél. Cadroŭski ; rus. Cedrovskij). De fait, les mémorialistes se sont efforcés de faire entrer les événements dont ils avaient eux-mêmes été les témoins oculaires dans des schémas communs à la Bible et aux annalistes, leurs prédécesseurs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans cette littérature de mémoires, il est davantage question de la sphère publique que de la vie privée [6]. La représentation sélective des faits, indice révélateur, montre que ces mémoires sortent du cadre de l'écrit documentaire et se rattachent à une tradition de convention littéraire. Ce ne sont pas pour autant des textes de pure fiction. Ils ont gardé la trace d'une perception individuelle des événements, et on observe une tendance générale à structurer ses impressions personnelles selon des canons consacrés (et compréhensibles).

Dans ses Mémoires (1682), Jan Cedrovskij décrit ainsi la famine des années de guerre :

« Le Seigneur Dieu a permis dans diverses villes de la voïvodie de Minsk, et dans ma propre maison, une terrible invasion de mulots, qui ont causé des dégâts terribles aux grains, d'abord dans les champs, puis dans les granges, les remises et les séchoirs. Cette catastrophe fut aussitôt suivie, avec la permission de Dieu, d'une épouvantable famine, qui se prolongea jusqu'à la moisson de 1657, de sorte que les gens se mirent à manger chats, chiens et toutes sortes de charognes, allant à la fin jusques à égorger des gens pour les manger, ne laissant pas même les dépouilles humaines reposer dans leurs tombeaux, toutes choses que moi-même, chétif que je suis, j'ai eu tout le temps de voir de mes yeux. Cette calamité a sévi en Biélorussie et en Livonie [7]. »

Le tableau ainsi dépeint est des plus horrifiants. Il convient toutefois de remarquer qu'il correspond point par point à celui dressé par le cornette (chorąży) Jósef Budziło ( rus. Iosif Budzilo), de Mazyr ( pol : Mozyrz, russe : Mozyr') dans son Dyariusz ( Journal) en 1612 [8]. Les détachements de la noblesse polonaise et lituanienne furent confrontés, selon lui, à une famine tout aussi dramatique :

« telle qu'on n'en avait jamais connu jusque-là et qui se laisse à peine décrire, dont aucune chronique ne mentionne l'équivalent où que ce soit dans le monde, lors d'un siège ou en toute autre circonstance : lorsqu'il ne resta plus rien à manger, ni herbe, ni racine, ni souris, ni chien, ni chat, ni charogne, on mangea les détenus, les cadavres arrachés à la terre, les fantassins se mangèrent entre eux et mangèrent les gens dont ils purent s'emparer [9]. »

Le thème de la profanation des tombes trouve sa source dans l'Ancien Testament, plus précisément dans l'une des prophéties de Jérémie :

« … on tirera, de leurs tombes, les ossements des rois de Judée, ceux de ses grands, ceux des prêtres, ceux des prophètes, et ceux des habitants de Jérusalem. On les étalera devant le soleil, la lune et toute l'armée du ciel […] Ils ne seront ni recueillis ni enterrés de nouveau : ils resteront sur le sol en guise de fumier [10]. »

A la suite de cette mise en garde, dans l'Apocalypse de saint Jean il est prédit que les oiseaux s'assembleront pour le

« grand festin de Dieu » pour avaler chairs de rois, et chairs de grands capitaines, et chairs de héros, et chairs de chevaux avec leurs cavaliers, et chairs de toutes gens, libres et esclaves, petits et grands ! [11] »

Ce que nous observons ici, c'est la transformation d'un topos biblique en un concept universellement répandu de la catastrophe, ou, selon les termes de l'historienne ukrainienne Natal'ja Jakovenko, en un symbole du « monde renversé [12] ».

Le voïvode de Minsk Kryštof Zaviša ( pol. Krzysztof Zawisza) a recours dans ses Journaux au même registre de représentations que ses prédécesseurs mémorialistes :

« En 1710, diverses cités de Prusse furent touchées par une épidémie, en Lituanie ce furent de graves maladies et surtout la famine, et non seulement on mangeait des morts mais en certains lieux des vivants, à quoi on n'accordait que fort peu d'attention. On était cruellement opprimé par nos troupes comme par les troupes étrangères, qui mangeaient les dernières réserves et c'était la famine. […] D'où une famine telle que les cours s'emplissaient de cadavres dont les loups se nourrissaient. Les vivants mangeaient les morts, les chats, les chiens… A Vilna ( lit. Vilnius, pol. Wilno), des pauvres, il en mourait bien une centaine par jour et davantage [13]. »

Chez Zaviša, nous trouvons cependant des détails inédits, révélant notamment la réaction des autorités aux cas de cannibalisme : « …il arrivait qu'en certains endroits des mères mangeassent leurs enfants, ce pour quoi elles étaient châtiées [14] ». Mais ce qui frappe avant toute chose dans les Journaux de Zaviša, c'est que les malheurs qui s'abattent sur la population civile sont le fait de la guerre en général, et non pas seulement de l'invasion du GDL par les troupes ennemies.

Jan Chryzostom Pasek, un auteur polonais du xvii e siècle, développe abondamment le même thème. En 1660,

«Quand nous entrâmes en Podlachie, les Moscovites, qui avaient tâté le terrain autour de Siemiatycze et de Brześć (Brest), avec Troubetskoï (Trubeckoj) et Horskij [en fait, Florian Słońskij], se replièrent sur Mścibow. Alors le palatin reçut du roi l'ordre de faire cantonner ses troupes pour les fêtes de Pâques, à la limite du pays, et de s'en remettre, pour les nourrir, au bon vouloir des habitants, car les biens royaux et ecclésiastiques, ruinés par l'ennemi et l'armée lituanienne, n'y pouvaient suffire [15]. »

Sur le Dniepr aussi,

« la situation était fort pénible, là où, près de la frontière moscovite, tout le bétail avait été réquisitionné ; ceux qui en avaient encore le gardaient, été comme hiver, au loin dans les déserts [c'est-à-dire dans des lieux inhabités, A.D.] Nous avions extrêmement faim de viande, dont nous n'avions pas mangé depuis des mois, ne nous nourrissant que de ce que nous trouvions dans les potagers, principalement de raifort rôti avec de la betterave, à partir duquel nous inventâmes toutes sortes de spécialités… [16] »

Les plaintes contre l'armée du GDL résonnent encore en 1665 :

« Le roi mit en campagne l'armée de Lituanie en bel ordre et bien équipée, mais dont les soldats semblaient échappés de trente porcheries, tant ils étaient affamés et avides de pillage [17]. »

Le pillage d'une population par sa propre armée est un phénomène lié dans une large mesure à l'apparition des armées de mercenaires, communautés de militaires professionnels gagnant leur vie grâce aux guerres et à leurs résultats. Il faut en outre tenir compte du concept plus ancien de fructus belli, c'est-à-dire le produit ou « fruit de la guerre ». La tradition voulait que toute prise sur l'ennemi soit considérée comme le bien collectif de l'armée victorieuse [18]. La noblesse du GDL se montrait insatisfaite lorsqu'elle n'était pas admise au pillage, même sur son propre territoire. Tels étaient les us et coutumes de la guerre.

Le soldat-gentilhomme Boguslaw Maskiewicz, décrivant dans son journal la prise en 1649 de la ville de Mazyr par les détachements du prince Janusz Radziwiłł, note avec dépit que le prince a ordonné de fermer la ville aux « frères d'armes », tant que ses dragons allemands et son infanterie hongroise n'ont pas prélevé dans chaque propriété quelque butin « pour le prince ». Et ce n'est que le lendemain, continue Maskewicz,

« que les trompettes donnèrent le signal permettant à quiconque d'aller prendre du butin à Mazyr, mais à quoi bon, car tout ce qui s'y trouvait avait déjà été saisi pour le prince, le reste pris par les dragons et l'infanterie. À nous, malheureux, on nous laissa ce qu'on n'avait pu prendre, comme pour nous dire : « À toi, mon pauvre, ce dont je n'ai pas l'usage. » De sorte que nous ne rapportâmes aucun butin, si ce n'est une fourrure, une selle quelconque, mais l'étain, le cuivre, l'argenterie, l'or, les espèces, tout cela était allé au prince [19] ».

Une veuve de la noblesse, dont la propriété avait mise à sac en 1662 par les soldats du GDL, devait aller jusqu'à appeler ces derniers « pires que les Moscovites, pires que les ennemis [20] ».

Le mécanisme de la transmission

Il est important de remarquer que semblables descriptions des malheurs de la guerre peuvent être trouvées chez d'autres mémorialistes de la République polonaise. Le plus souvent, comme chez Josif Budzilo et Jan Cedrovskij, il s'agit de simples citations. Mais com-ment images et métaphores ont-elles pu passer d'un texte à l'autre ?

On ne peut plus clairement illustrer le mécanisme de transmission des nouvelles (et des images qui leur sont associées) qu'à travers les Journaux de Jan Antoni Chrapowicki, chambellan ( podkomorzy, subcamerarius) de Smolensk puis voïvode de Vitebsk. Voici comment était organisée sa journée, du point de vue de la réception et de l'échange des informations. Le 21 janvier 1666 : « …reçu une lettre par la poste de Wilno de Sa Grâce le voïvode de Polock [Jan Karol Kopeć] avec une lettre de Monsieur Emanuel Brzostowski, de Monsieur le référendaire du GDL [Cypryan Paweł Brzostowski] … reçu une lettre de Monsieur Mones… [21] ». Le 9 février 1666 : « Adressé une lettre à Varsovie à [Jozafat] Tyszkiewicz et une à mon fils [Jan] à Varsovie, et à Wilno à Mones et à Cynaki. A la mi-journée, reçu une lettre de Monsieur le référendaire [du GDL] et ensemble de Sa Grâce Monsieur le maréchal ( marszałek) du GDL [22]. » Et ainsi de suite chaque jour.

Les historiens ont baptisé « journaux manuscrits » ce phénomène de circulation des lettres, dans lequel les correspondants ne se contentent pas d'échanger leurs propres courriers, mais y joignent les lettres de tierces personnes (apparemment sous forme de copies). Il est extrêmement intéressant de trouver chez Chrapowicki la métaphore « dévaster par le fer et par le feu » ( pustoszy ogniem i mieczem, litt. « par le feu et par le glaive ») lorsqu'il décrit, naturellement avec les mots d'un autre, en l'occurrence Mones, la campagne de Hovanskij en Livonie [23]. Beaucoup plus tard, au xix e siècle, cette métaphore deviendra le symbole de tout un courant romantique de la littérature polonaise. Au xvii e siècle, les gens de qualité disposaient de correspondants permanents, souvent rémunérés, qui leur fournissaient régulièrement des nouvelles. C'est le rôle que joue, vis-à-vis de Chrapowicki, Mones, maître de poste et bourgeois de Vilna († 17 février 1666). Un autre mémorialiste, Stanisław Niezabitowski, décrit son service « à la poste » comme celui d'un courrier chargé de distribuer précisément ce type de correspondance [24].

Nous retrouvons une situation analogue avec l' Histoire de la guerre de Moscovie par Mikolaj Marchocki. En effet, les événements du début du xvii e siècle en Russie ayant provoqué un intérêt considérable dans la République, de nombreux auteurs ont purement et simplement recopié les passages les plus hauts en couleur du journal de Marchocki. Les notes de ce dernier furent également mises à profit par l'auteur inconnu de la compilation connue sous le titre Journal de Marcin Stadnicki. En écrivant sa propre chronique, Paweł Piasecki y inclut, de même, des pages entières des mémoires de Marchocki [25].

La possibilité même de tels emprunts massifs s'explique, entre autres, par les habitudes de l'époque : les auteurs de journaux et mémoires personnels envoyaient des copies de leurs textes à leurs voisins, à leurs parents, ainsi qu'aux personnes qui tenaient une large place dans leur récit. Dans les demeures de la noblesse, on prenait copie des passages les plus captivants, voire du texte intégral de ces mémoires [26]. C'est ainsi que circulait l'information, mais aussi, ce qui pour nous est le plus important, les images et les métaphores associées à tel ou tel événement de la vie publique.

Le xvii e fut décidément pour la République le siècle des mémoires. Comme le remarque Władysław Czapliński, qui avait beaucoup étudié ce genre de source narrative, « il y avait sur quoi écrire [27] ». Cet engouement de la noblesse polono-lituanienne pour les mémoires s'explique de plusieurs façons : intérêt pour l'histoire, goût des chroniques, des annales, des nouvelles, désir de garder une trace des événements vécus. D'où le succès aussi de cette littérature auprès des lecteurs de l'époque, succès qui assurait la popularité des auteurs et leur prestige social [28].

Essayons de tirer une conclusion provisoire sur le fonctionnement, dans le récit, des témoignages sur les malheurs de la guerre : lorsqu'un mémorialiste décrit des événements auxquels il entend conférer une coloration épique, il utilise abondamment des clichés et des images déjà bien au point, qu'il emprunte à d'autres textes. Cependant, les journaux et mémoires de l'époque présentent également un caractère concret : lorsque les événements font l'objet d'une description détaillée, on peut penser que l'auteur expose les faits avec réalisme, même s'il le fait dans le cadre de son interprétation personnelle. C'est pourquoi tous les faits empruntés directement aux sources narratives courantes doivent éveiller la méfiance de l'historien, sauf s'ils relèvent de la biographie personnelle de l'auteur. Au fur et à mesure qu'on avance dans le siècle, le style du récit devient plus individuel, les mémoires livrent plus d'informations et véhiculent moins de poncifs.

La vérification est-elle envisageable ?

Les sources narratives, nous l'avons vu, utilisent une sorte d'assortiment standard d'images et d'épithètes servant à la description des malheurs de la guerre. Cela signifie-t-il pour autant que ces malheurs n'ont pas existé ou qu'ils ont été métaphoriquement exagérés ? À chaque cas concret correspondent des réponses particulières, mais il convient de ne jamais oublier le caractère essentiellement imagé des descriptions narratives. Surtout si l'on veut bien se souvenir que l'une des fonctions essentielles de cette littérature est la mise en accusation de l'ennemi. Ces considérations, il va sans dire, ne mettent pas nécessairement en doute la réalité des pertes subies et des destructions, ils requièrent simplement plus d'attention au mode de transmission de l'information dans les sources narratives. Ajoutons qu'il n'est pas toujours aisé de confronter les informations issues de sources narratives avec celles des sources documentaires. Enfin il faut avoir à l'esprit que les chroniques (et autres sources narratives) et les documents de chancellerie se sont influencées réciproquement.

Dans les chroniques biélorusses-lituaniennes plus tardives, les registres sémantiques standardisés voisinent déjà avec des notations plus concrètes ; certains détails permettent de s'assurer de la singularité de tel ou tel événement retransmis. Voici, par exemple, comment la Chronique de Mahiloŭ décrit le soulèvement de 1661 contre les armées russes :

« Et alors qu'on approchait du temps et de l'heure convenus, Pora, le bourgmestre, qui portait, caché sous ses vêtements, le glaive du bourreau, vit ceux de Moscou [ moskale] prendre de force les tourtes dans les boulangeries de la ville ; s'étant signé il se mit à sabrer les Moscovites et à ce moment-là, pour protester contre l'arbitraire, la cloche de la confrérie se mit à sonner : ce fut le tohu-bohu, le désordre, le combat, la guerre [29] ».

Voilà comment un seul détail suffit - ici, les tourtes - pour rendre un récit réaliste.

L'analyse des mémoires lituaniens et polonais nous livre l'opinion de leurs auteurs, à savoir que les malheurs infligés à la population civile pendant les guerres avec la Grande Principauté de Moscou puis avec l'Empire russe étaient dus à l'état de guerre en général, mais aussi à la rupture, à la suite des combats, des liens sociaux qui jusque-là assuraient l'équilibre. Il faut remarquer en outre que la population souffrait également du fait de sa propre armée. Nul ne saurait nier enfin le caractère particulièrement cruel des guerres des xvi e et xvii e siècles.

Au cours de cette analyse, il convient de garder à l'esprit la complexité de la construction narrative, une complexité qui tient à l'interaction constante entre le « moi épique » et le « moi réaliste [30] ». La progression propre du récit, animé d'un mouvement ondulatoire, et l'interpénétration du moi épique et du moi réaliste chez le narrateur, font que c'est tantôt l'un, tantôt l'autre de ces facteurs qui prend le dessus [31]. La description des malheurs de la guerre dans les mémoires des xvi e et xvii e siècles illustre parfaitement ce phénomène.

Nous pouvons par ailleurs risquer une hypothèse de travail : aucun lien direct ne peut être établi entre la manière de faire la guerre aux xvi e et xvii e siècles, d'une part, et de l'autre le caractère du pouvoir d'Etat : que le pouvoir du monarque soit absolu ou qu'au contraire il dépende d'un quelconque organisme représentant les ordres de la société peut influer sans aucun doute sur le caractère plus ou moins répressif de sa politique intérieure, mais beaucoup moins sur la mise en œuvre d'une politique étrangère belliqueuse.

On se rappelle à cet égard les conséquences désastreuses qu'eurent pour le territoire du GDL non seulement les opérations de l'armée russe pendant la guerre de Livonie et celle de 1654-1667, mais aussi celles de l'armée suédoise sur le littoral polonais, en Prusse et en Samogitie dans la seconde moitié des années 1650 - passées dans l'histoire et la littérature polonaises sous l'éloquente appellation de « Déluge » ( Potop). Quoi qu'il en soit, les mémorialistes lituaniens du xvi e siècle en arrivent à une vision sceptique de la guerre. Fëdor Evlašovskij ne considère-t-il pas, par exemple, que « ces guerres ne nous ont guère profité [32] » ? Et ce n'est qu'ensuite, dans le cadre de la culture baroque « sarmate », que les thèmes héroïques font leur apparition dans la description des guerres. Mais il ne faut pas confondre ici les malheurs de la guerre avec la mort du guerrier sur le champ de bataille, évoquée conformément aux canons de l'idéal chevaleresque.

La question demeure de savoir dans quelle mesure les stéréotypes narratifs des textes du xvi e ou du xvii e siècle mettent en cause, en tant que telle, l'information qu'ils véhiculent. Ce que nous constatons pour le moment, c'est que les récits sur lesquels se fonde notre connaissance de cette époque peuvent se révéler des plus illusoires, si l'on se réfère à ces sources de manière littérale, auquel cas le risque de sombrer dans un monde déformé est réellement très grand [33].

Travaux récents

Or dans les années 1990, les historiens biélorusses ont exploité de façon intensive les évocations des malheurs de la guerre dans ces sources narratives, de préférence aux sources documentaires. On a formulé une problématique des guerres des xvi e et xvii e siècles. On vit apparaître un « culte de la souffrance » et on chanta la résistance des masses populaires (voir les travaux de Genadz' Saganovič, surtout son ouvrage La Guerre inconnue [34]). Il se trouve que ce livre est au centre de l'un des débats les plus récents concernant l'utilisation critique des sources, notamment des mémoires [35]. Sommes-nous toujours en mesure de distinguer les pertes humaines résultant directement des opérations militaires de celles provoquées par une période de crise, quand le chaos ambiant et la rupture des relations commerciales traditionnelles aboutissaient à la famine, souvent accompagnée d'épidémies ? Ces malheurs constituaient-ils par ailleurs un but poursuivi consciemment par l'un ou l'autre des belligérants ou plutôt une conséquence inévitable de la guerre telle qu'elle était menée à cette époque ? Il semble que les historiens biélorusses contemporains n'aient pas encore trouvé de réponse à ces questions.

Les historiens polonais s'occupent, eux aussi, de la problématique des conflits, en particulier de ceux du xvii e siècle. Parmi les travaux des années 1990 se distinguent les articles d'Andrzej Rachuba et le résumé de son mémoire d'habilitation sur « Wilno sous l'occupation russe, 1655-1661 [36] ». Les sources narratives ont été, là encore, abondamment sollicitées. Des citations du poème anonyme Chant sur Janusz Radziwiłł permettent à l'auteur de décrire la ville au lendemain de sa prise par les troupes russes le 8 août 1655, c'est-à-dire dire après que, selon de nombreux témoins, massacres et pillages se furent prolongés pendant dix-sept jours :

« Notre capitale, notre Wilno bien-aimée, elle qui n'était que beautés, abondance

et richesse :

Les églises les opulentes demeures pillées, les hôtels nobles réduits en cendres.

Le sang innocent coulant à flots, celui des enfants et des mères tués

à coups de sabre.

Nombreux gisaient moines et moniales au pied de chaque église [37]. »

Les historiens polonais, toutefois, prennent la peine de compléter les sources narratives par des sources documentaires. Andrzej Rachuba écrit ainsi que, dans les premières semaines de l'occupation de Wilno, quantité de marchands biélorusses et lituaniens, venus principalement de Mohilow, confluèrent vers la ville, pour racheter à la soldatesque russe le produit de ses rapines. D'où il ressort qu'un certain nombre d'habitants du GDL ont tiré profit, à leur façon, des malheurs de leur propre pays. Par ailleurs, l'historien polonais, analysant la politique menée à Wilno par le voïvode russe Mihail Semenovič Šahovskoj, la qualifie de conciliante et subtile. Ses tâches principales consistaient à augmenter le volume de l'impôt et à faire revenir les fuyards. Šahovskoj réussit du moins à stabiliser la situation dans la cité. Mais le coup le plus rude restait à venir, sous la forme de l'épidémie de peste qui s'abattit sur Wilno en 1657. Cette épidémie fausse, et dans des proportions colossales, la statistique des pertes de la guerre établie par Józef Morzy [38]. Or c'est de ces chiffres que de nombreux historiens biélorusses se servent lorsqu'ils évaluent les conséquences de la guerre de 1654-1667.

Certes, toutes les sources confirment que certaines catégories de la population firent l'objet d'une discrimination délibérée de la part de l'occupant russe. Il s'agit des Juifs et, au XVII e siècle, des uniates (catholiques de rite grec). Mais seuls certains épisodes de la guerre de Livonie, dont Polock occupée fut le théâtre, permettent de parler de génocide.

Tout récemment, les historiens polonais ont manifesté soudain un regain d'intérêt pour la guerre de 1654-1667 en territoire lituanien. Deux ouvrages sur ce sujet ont paru coup sur coup, dont les auteurs sont Konrad Bobiatyński [39] et Krzysztof Kossarzecki [40]. Ils remarquent qu'auparavant, les historiens polonais qui étudiaient cette guerre s'intéressaient principalement au théâtre ukrainien. Les nouveaux travaux polonais, fondés sur des sources abondantes, montrent davantage de retenue dans l'évocation de scènes apocalyptiques. Krzysztof Kossarzecki avance l'idée que les historiens biélorusses qui ont étudié ce conflit se sont copieusement servis des travaux de leurs confrères, mais ne maîtrisent eux-mêmes qu'un « éventail restreint de documents manuscrits [41] ».

Ce sont donc les historiens biélorusses actuels qui semblent bien s'être montrés le moins critiques dans leur lecture des sources narratives. Or le registre d'images mis en œuvre dans un récit ne correspond pas toujours, c'est même loin d'être le cas, au contenu des sources documentaires. La motivation politique est du reste patente dans les travaux historiques biélorusses des années 1990. De nouvelles orientations se sont fait jour depuis, non plus seulement politiques mais administratives : l'État, depuis le tournant du xxi e siècle, a imposé une refonte des manuels historiques en Biélorussie. Quant aux historiens polonais, ils continuent de se distinguer par une méthodologie plus approfondie et un usage plus contrasté d'un éventail de sources beaucoup plus large.

English Summary:

Descriptions of Russo-Lithuanian wars (sixteenth and seventeenth centuries) in primary sources and modern historiography

When some historians describe wars, they tend to create most impressing and emotional pictures, particularly when focusing on disasters inflicted to civilians. More often than not, they simply reproduce the contents of their sources, and arouse feelings of anger, indignation, and immense grief. These descriptions are undoubtedly based on real events. But can we relay information provided by sources of the sixteenth and seventeenth centuries as factual and then proceed to build up historiographic concepts? Authors of chronicles and annals, serving officers, memoirists of the Grand Duchy of Lithuania (GDL), Poland, and Russia wrote within definite state-political systems and ethical representations, and one of their main concerns was to charge the opponents with transgression of Christian ethics.

Many of their invectives were taken at face value in modern Central and East European historiographies and used in political strife in the late 1980s and during the 1990s. This approach seemed all the more justified as the number of accessible sources was increasing. But, paradoxically, the increase in the quantity of sources does not always make it more difficult to manipulate them to support a particular viewpoint.

Modern Belarusian historiography was especially vulnerable in that respect. In the late 1980s and early 1990s, it had to discard a deep-rooted, complacent version of the historical Belarus-Russia relationship. This was achieved, in specialized as well as popular historical writings, by asserting that Russia waged not simply aggressive wars against the GDL, but wars aiming at destruction. The data on wartime disasters derived from sources were interpreted in terms of the modern theory of total war and supported by uncritical quotations. But contemporary history has come back at Belarusian historiography with a vengeance. The new, authoritarian political trend has drastically changed the situation: much of what has been written in the 1990s has been subjected to not too mild, practically official and administrative, critics. It seems only fair to note that this was triggered in the first place by uncritical use of historical sources.

Aleh Dziarnovič (Minsk)

Institut d'Histoire de l'Académie des sciences de Biélorussie

Cahiers du monde russe 2009/2-3



[1] « Rzeczpospolita » : c'est le nom de l'entité politique résultant de l'Union de Lublin (1569) entre le royaume de Pologne et le Grand Duché de Lituanie. Celui-ci conserve son nom, cependant que les territoires du royaume de Pologne sont dits « de la Couronne » (N.d.T.).

[2] Antiochus IV Epiphane, qui persécuta le judaïsme (I er et II e livres des Maccabées) (N.d.T.)

[3] PSRL, vol. 35 : Letopisi belorussko-litovskie [ Les chroniques biélorusses-lithuaniennes], Nikolaj Nikolaevič Ulaščik, éd., M., 1980, p. 64.

[4] Ibidem, p. 240 : Roku 1595-go. Znowu na Mohilow jnkursia nastąpiła od Naliwayki. Także niewiadomo z jakich to było przyczyn, czy z hultaystwa czyli z moskiewskiego naciągu, bo na ten czas z Moskwą pokoju nie było [...] Ten Naliwayko Mohilow zrabował i cerkwy popalił.

[5] PSRL, vol. 32, Nikolaj Nikolaevič Ulaščik, éd., M., 1975, p. 187.

[6] Piotr Borek, «Obraz wojen kozackich za czasów Chmielnickiego w staropolskim pamiętnikarstwie» [« Les guerres cosaques du temps de Hmelnickij vues par les mémorialistes de l'ancienne Pologne »], Napis, seria VII, 2001, Varsovie, 2001, p. 201.

[7] « Dopuścił Pan Bog w wojewodztwie mińskim na różnych miescach i w moim domu straszną moc myszy polnych, tak że zboża wprzód w polach, a potym w puniach i świrnach i przepłotach strasznie psowali. Za którem dopuszczeniem Bożem zaraz głód straszny nastąpił, który trwał aż do żniw w r. 1657, tak że kotki, psy, zdechliny wszelakie ludzi jadali, na ostatek rznęli ludzie i ciała ludzie jedli i umiarłym trupom ludzkie wyleżeć się w grobie nie dali, czegom się sam mizerny człowiek oczyma moimi napątrzał. Ta klęska grasowała na Białorusi i w Inflanciech. » ; Dwa pamiątniki z XVII wieku: Jana Cedrowskiego i Jana Floriana Drobysza Tyczyńskiego [ Deux auteurs de mémoires du XVII e siècle : Jan Cedrowski et Jan Florian Drobysz Tyczyński], Adam Przyboś, éd.,Wrocław-Cracovie, 1954, p. 10-11. Traduction biélorusse : Pomniki memuarnaj litaratury Belarusi XVII st .[ Mémoires écrits en Biélorussie au XVII e siècle] A. F. Koršunau, éd., Minsk, 1983, p. 128.

[8] Comme l'avait déjà fait remarquer A. F. Koršunau, ibid., p. 144, note 70.

[9] « ktory nie słychany y do wypisania trudny, iakiego zadne kroniki y historie nie swiadczą, aby kiedy na swiecie w oblęzeniu będący ktory go mogł, albo kiedy maiąt bydz, nastąpił, bo gdy iuz traw, korzonkow, myszy, psow, kotek, scierwa nie stało, więznie wyiedli, trupy, wykopuiąć z ziemie, wyiedli, piechota się sama miedzy sobą wyiadła y ludzie łapaiąc poiedli », RIB, vol. 1: « Pamjatniki, otnosjaščiesja k smutnomu vremeni » [« Documents concernant le Temps des troubles »], SPb., 1872, p. 347-348.

[10] Jérémie, 8, 1-2. Trad. de La Sainte Bible … de l'École biblique de Jérusalem, P., 1956.

[11] Apocalypse, 19, 17-18, ibidem ; le texte russe, au lieu de « héros », donne « chiliarques ».

[12] Natal'ja Jakovenko, « Skil'ki oblič u vijni : Hmel'niččina očima sučasnikiv » [« Images multiples de la guerre : les guerres de Hmelnickij vues par les contemporains »], dans, du même auteur, Paralel'nij svit. Doslidžennja z istorii ujavlen' ta idej v Ukraini XVI-XVII st. [ Le monde parallèle. Études d'histoire des représentations et des idées en Ukraine aux XVI e-XVII e siècles], K., 2002, p. 208, 211, 224.

[13] « Roku 1710 toż trwa po różnych miejscach pruskich powietrze, a w Litwie ciężkie choroby i nadewszystko głód, bo nietylko ludzie zdechlinę, ale na niektórych miejscach ludzi jedli, a na to wszystko mniej uwagi, wojsk i swoich i postronnych uciski wielkie, dla których gdy zjedzono ostatnie, głód nastąpił [...] Zkąd taki głód, że po dworach trupów pełno było na pożywienie wilkom. Ludzie żywi trupy zjadali, kotki, psy... W Wilnie ubóstwa po stu i więcej na dzień umierało. », Krzysztof Zawisza, Pamiętniki Krzysztofa Zawiszy, wojewody mińskiego (1666-1721) [ Mémoires de Krysztof Zawisza , voïvode de Minsk (1666-1721)], Varsovie, 1862, p. 363.

[14] « ...i zdarzało się że na kilku miejscach matki dzieci swoje pojadły, za co karano ».

[15] « Jakieśmy tedy weszli w Podlasie, Moskwa ustąpili ku Mścibowu, którzy z Trubeckim [i] Słońskim zabiegi czynili koło Siemiatycz i koło Brześcia. Przyszedł tedy ordynans od Króla do Wojewody, aby na dni wielkancrze tu wojsko rozłożyć brzegiem Podlasza w dobrach szlacheckich i żyć za uproszeniem, kto co da z dyskrecyjej [z łaski], bo już królewskie i duchowne nie mogły sufficere ["nastarczyć"], zrujnowanie od nieprzyjaciela i od wojsk litewskich », Jan Chryzostom Pasek, Pamiętniki [ Mémoires], Wstęp i objaśnienia [introduction et commentaires de] Władysław Czapliński, Wrocław-Varsovie, 2003, p. 98-99 ; texte français : Les mémoires de Jean-Chrysostome Pasek, gentilhomme polonais (1656-1688), traduits et commentés par Paul Cazin, P., Les Belles Lettres, s. d., p. 113.

[16] « było bardzo trudno, gdyż blisko granice moskiewskiej jedne by[d]ła pozabierano, drugie też, kto co jeszcze miał, to w pustyniach glębokich trzymali i lecie, i zimnie. Przegłodnieliśmy byli bardzo mięsa, nie żyjąc przez kilka miesięcy, tylko ogrodnymi rzeczami, a najbardziej ćwikłą pieczoną, z której różne specyjały wymyślali… », ], J. C. Pasek, Pamiętniki (op. cit.), p. 178.

[17] « Litewskie wojsko król wyprowadził porządne i dobrze, którzy jakoby ich z dziesiąci chlewów wywarł, tak głodni i tak siła jedli, rabunki wielkie czynili. », ibidem, p. 351 ; texte français : Les mémoires de Jean-Chrysostome Pasek, ( op. cit.), p. 217.

[18] Voir, pour plus de détails, Natal'ja Jakovenko, « Skil'ki oblič u vijni … » (op. cit., note 12), p. 194-197.

[19] « odtrąbiono, że już wolno komu chcieć jechać do Mozyra na zdobycz, ale nie było po co, bo cokolwiek było, wszystko na księcia wyrabowano, ostatek dragonija i piechota pobrała. A tak co nie mogli zabrać, to nam biednym zostawili, jakoby mąwiąc: « Na tobie, nieboże, szto mnie nie hoże. » I nie mieliśmy nic zdobyczy, jeśli tylko kuny przywiozł, sadło jakie, a cyna, miedż, srebro, złoto, pieniądze etc. wszystko to na księcia poszło », Pamiętniki Samuela i Bogusława Kazimierza Maskiewiczów (wiek XVII) [ Mémoires de Samuel et Bogusław Kazimierz Maskiewicz (XVII e siècle)], Alojzy Sajkowski, éd., Wrocław, 1961, p. 264.

[20] « gorsi Moskwy, gorsi od nieprzyjaciela », J. C. Pasek, Pamiętniki (op. cit.), p.

[21] « ...oddano mi list z poczty wilenskiej od jm. pana wojewody polockiego [Jana Karola Kopcia] z listem od pana Emanuela Brzostowskiego, od pana referendarza WKL [Cypryjana Pawła Brzostowskiego]… Oddano mi list od pana Monesa », Chrapowicki Jan Antoni, Diariusz [ Journal], 2 : 1665-1669, Andrzej Rachuba et Tadeusz Wasilewski, éd., Varsovie, 1988, p. 98.

[22] « Pisałem pocztą do Warszawy do księdza [Jozafata] Tyszkiewicza i do syna [Jana] do Warszawy, a do Monesa i Cynakiego do Wilna. O południu oddano mi list od pana referendarza [WKL], a wespół i od jm. pana marszałka WKL », ibidem, p. 102.

[23] Ibidem, p. 71.

[24] Niezabitowski Stanisław, Dzienniki 1695-1700 [ Journaux, 1695-1700], Alojzy Sajkowski, éd., Poznań, 1998, p. 175, 255.

[25] Pour plus de détails, voir : Еlena Ippolitovna Kuksina, « Perom i sablej » [« Par la plume et le sabre »], in Nikolaj Marchocki, Istorija Moskovskoj vojny [ Histoire de la guerre de Moscovie], éd. et trad. en russe par E. Kuksina, Moscou, Rosspên, 2000, p. 23 (Russkaja Istoričeskaja Biblioteka) ; Pawel Piasecki, Chronica gestorum in Europa singularium a Paulo Piacesio … conscripta ad annum Christi MDCXLVIII, Cracoviæ, s. d.

[26] Adam Przyboś, «Wstęp» [« Introduction »], in : Dwa pamiątniki [ op . cit., note 6], p. IX.

[27] Władysław Czapliński, «Wstęp» [« Introduction »], in J. C. Pasek , Pamiętniki [ op . cit., note 14], p. IX-X

[28] Jadwiga Rytel, «Pamiętniki» Paska na tle pamiętnikarstwa staropolskiego. Szkic z dziejów prozy narracyjnej [ Les « Mémoires » de Pas e k dans le contexte des mémoires polonais des XVI e et XVII e siècles. Essai sur l'histoire de la prose narrative], Wrocław-Varsovie-Cracovie, 1962, p. 41.

[29] « Y gdy iuż termin y godzina przychodziła, Pora, burmistrz, miał pod suknią skryty pałasz katowski, a gdy obaczył, już moskale gwałtem biorą p[iro]gi u piekarek miesk[ich], przezegnawszy się poczoł moskwę rąbac, a tym czasem [na] gwałt we dzwon bracki uderzono, stanoł tumult, rozruch, boy, woyna. », PSRL, vol. 35, p. 243.

[30] Robert Petsch, Wesen und Formen der Erzahlkunst, Halle / Saale, 1942, p. 112-113.

[31] Pour plus de détails, voir Jadwiga Rytel, «Pamiętniki» Paska [ op . cit., note 27], p. 82.

[32] Uladzimir Mitrafanavič Svjažynski, " Gistaryčnyja zapiski " F. Eulašouskaga [ « Les notes historiques » de Fiodar Eulašouski], Minsk, 1990, p. 90.

[33] Natal'ja Jakovenko, « Skil'ki oblič u vijni » [ op . cit., note 11], p. 227.

[34] Genadz' Mikalaevič Saganovič, Nevjadomaja vajna : 1654-1667 [ La guerre inconnue : 1654-1667], Minsk, 1995. Voir aussi, du même auteur : « Polackaja vajna : 1563-1579 gg. » [« La guerre de Polock : 1563-1579 »] in : Adradžênne, Gistaryčny al'manah [ La Renaissance . Almanach historique], n° 1, Minsk, 1995, p. 61-82.

[35] Oleg Aleksandrovič Kurbatov, compte-rendu de : G. Saganovič, Nevjadomaja vajna: 1654-1667 [ op.cit., note 33] in: Arhiv russkoj istorii [ Les archives del'histoire russe], n° 7, M., Drevnehranilišče, 2002, p. 339-344.

[36] Andrzej Rachuba, «Wilno pod okupacją moskiewską w latach 1655-1661» [«Wilno sous l'occupation russe, 1655-1661»], Lithuania, 1994, n° 2-3, p. 63-72.

[37] « « Stolica nasza, Wilno ukochane, z ozdób, dostatkąw i dóbr swych zebrane,
Kościoły, dome bogate złupione, budowne dwory w popioł obrócone.
Krew się niewinna lała rynsztokami, z dziatek i matek rąbanych szablami.
Zakonnych osób obojej płci wiele legło na placu przy każdym kościele. » .

Krew się niewinna lała rynsztokami, z dziatek i matek rąbanych szablami.
Zakonnych osób obojej płci wiele legło na placu przy każdym kościele. »

[38] Jozef Morzy, Kryzys demograficzny na Litwie i Białorusi w II połowie XVII wieku [La crise démographique en Lituanie et en Biélorussie dans la seconde moitié du XVII e siècle], Poznań, 1965.

[39] Konrad Bobiatyński, Od Smoleńska do Wilna. Wojna Rzeczypospolitej z Moskwą 1654-1655 [ De Smolensk à Vilna. La guerre de la République polonaise contre Moscou, 1654-1655], Zabrze, 2004.

[40] Kossarzecki Krzysztof, Kampania roku 1660 na Litwie [ La campagne de 1660 en Lituanie], Zabrze, 2005.

[41] Ibidem, p. 10.

 
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